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[PROCÉDURE] LES RENVOIS PRÉJUDICIELS DEVANT LE TRIBUNAL SUPRÊME

Ces renvois préjudiciels sont :

L’EXCEPTION D’INCONSTITUTIONNALITÉ. Le recours en appréciation de validité d’une loi. Le Tribunal Suprême est juge constitutionnel;

Fondement du recours – article 90 § A – 2°) de la Constitution :

« (en matière constitutionnelle, le Tribunal Suprême statue souverainement) sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution, et qui ne sont pas visés au paragraphe B du présent article (c’est-à-dire insusceptibles de faire l’objet d’un recours administratif) ».

 L’EXCEPTION D’ILLÉGALITÉ. Le recours en appréciation de validité d’une décision administrative ou des Ordonnances Souveraines prises pour l’exécution des lois. Le Tribunal Suprême est juge administratif.

Fondement du recours – article 90 § B – 3°) de la Constitution :

« (en matière administrative, le Tribunal Suprême statue souverainement) sur les recours en interprétation et les recours en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives et des Ordonnances Souveraines prises pour l’exécution des lois ».

Décision préalable du juge a quo. Que ce soit en matière constitutionnelle ou en matière administrative, la recevabilité du recours est subordonnée à l’intervention préalable d’une décision du juge judiciaire saisi du litige principal ordonnant le renvoi de la question préjudicielle dont dépend celui-ci à l’examen du T.S.

A défaut de décision préalable du juge judiciaire saisi au principal, la requête portée directement devant le TS est irrecevable (T.S. 28 février 1968).

Appréciation souveraine du juge a quo. Le juge judiciaire saisi au principal décide souverainement si la question posée est bien matériellement préjudicielle (et non une simple question préalable de compétence) et, surtout, si la question en cause soulève une difficulté sérieuse et pertinente (Cour de Révision, 20 mars 1974). A défaut de tels caractères, le juge judiciaire saisi au principal résout directement la question.

Renvoi obligatoire. Quelle que soit la nature de la difficulté posée, le renvoi est obligatoire lorsque la question soulevée entre dans la compétence exclusive du Tribunal Suprême en matière constitutionnelle (Article 90 § A – 2°), à savoir cumulativement :

  • La question soulevée a pour objet une atteinte portée aux libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution ;
  • La décision incriminée doit être insusceptible de faire l’objet d’un recours administratif.

 

Les recours doivent être formés dans les deux mois de la date à laquelle la décision de la juridiction judiciaire est devenue définitive (Article 16 de l’Ordonnance Souveraine modifiée n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême).

Les renvois préjudiciels soumis au Tribunal Suprême tendent ici à voir reconnaitre :

  • Soit l’inconstitutionnalité d’une loi au regard du Titre III de la Constitution (exception d’inconstitutionnalité ; article 90 § A – 2°) ;
  • Soit l’illégalité d’une décision administrative ou d’une Ordonnance Souveraine prise pour l’application d’une loi (exception d’illégalité ; article 90 § B – 3°)

I – L’EXCEPTION D’INCONSTITUTIONNALITÉ

Le Tribunal Suprême n’est pas juge de la constitutionnalité en général mais il a la charge exclusive d’assurer le respect des libertés et droits fondamentaux consacrés par le titre III de la Constitution (articles 17 à 32) :

  • Principe d’égalité devant la loi (article 17);
  • Liberté et sûreté individuelles (article 19);
  • Principe de légalité des peines ; caractères des lois pénales (respect de la personnalité et de la dignité humaines) ; interdiction des traitements inhumains ou dégradants ; non-rétroactivité des lois pénales (article 20) ;
  • Inviolabilité du domicile (article 21);
  • Respect de la vie privée et familiale et du secret de la correspondance (article 22) ;
  • Liberté des cultes (article 23);
  • Inviolabilité de la propriété ; conditions de l’expropriation pour cause d’utilité publique (caractère légal, juste indemnité encadrée légalement) (article 24) ;
  • Liberté du travail (et sa réglementation légale) (article 25);
  • Droit aux prestations sociales des Monégasques (indigence, chômage, maladie, invalidité…) (article 26);
  • Droit à l’instruction des Monégasques (article 27) ;
  • Liberté syndicale (article 28);
  • Droit de grève (article 28);
  • Liberté de réunion (réglementation) (article 29) ;
  • Liberté d’association (article 30);
  • Nationalité (article 19) et droits des étrangers (article 32).

Recevabilité. Les moyens fondés exclusivement sur la méconnaissance des dispositions constitutionnelles ne figurant pas dans le titre III de la Constitution sont irrecevables.

Par exemple, le moyen tiré de la violation du droit au logement visé à l’article 11-1 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels est inopérant dès lors que le droit au logement ne fait pas partie des libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution (T.S. 6 novembre 2001, Association des locataires de Monaco).

En revanche, par une décision du même jour (rendue en matière administrative), le Tribunal Suprême a estimé que le droit au logement reconnu par le Pacte doit être concilié avec le droit de propriété (visé par l’article 24 – titre III de la Constitution) (T.S. 6 novembre 2001, Association des locataires de Monaco) : importance d’un rattachement même indirect du moyen au Titre III de la Constitution.

II – L’EXCEPTION D’ILLÉGALITÉ

Notion d’illégalité. Tous les griefs peuvent être invoqués à l’appui d’un recours en annulation pour excès de pouvoir ou d’un recours en appréciation de validité. Cependant, ici, l’illégalité est plus restreinte. Elle réside dans le fait que la décision attaquée ne pouvait être prise car elle méconnait une règle de droit de valeur supérieure.

Hiérarchie des normes. Le droit monégasque connaît une hiérarchie des normes, définie dans la Déclaration du 30 novembre 2005, jointe au dépôt de l’instrument de ratification de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Au sommet de la hiérarchie se trouvent les règles et principes de valeur constitutionnelle : la lettre de la Constitution de la Principauté du 17 décembre 1962, les principes généraux du droit international relatifs à la souveraineté des États, les conventions particulières conclues avec la France et les Statuts de la Famille Souveraine ;

Viennent ensuite les traités et accords internationaux régulièrement signés et ratifiés par le Prince auxquels la Déclaration du 30 novembre 2005 précitée reconnaît une autorité supérieure à celle des lois.

L’exception d’illégalité, un domaine plus large que l’exception d’inconstitutionnalité.  Le moyen tiré de la violation du texte constitutionnel par la décision d’une autorité administrative ou par une Ordonnance Souveraine prise pour l’exécution d’une loi couvre un domaine plus large que l’exception d’illégalité. En effet, « tous les moyens tirés de la violation de dispositions constitutionnelles quelconques peuvent être soulevés à l’appui de recours et peuvent être examinés par le Tribunal Suprême statuant en matière administrative » (TS, 20 juin 1979, Association autonome des fonctionnaires).

Les caractères de la violation invoquée. La violation de la norme supérieure par la décision administrative (ou par l’Ordonnance Souveraine) peut être positive ou négative :

  • Violation positive : l’objet de l’acte est interdit par une norme supérieure. La violation peut affecter non seulement la lettre du texte, mais également plus largement son esprit, son sens ou sa portée (TS, 11 octobre 1961, SA Les Éditions Littéraires de Monaco) ;
  • Violation négative : lorsque par exemple l’administration refuse de prendre un acte ou une mesure qui lui est imposé par une norme supérieure (exemple : la délivrance d’une attestation d’obtention d’une autorisation d’urbanisme tacite – TS, 14 juin 2005, SCI Rayon d’Or).
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