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[LCB/FRAUDE/CONTREFAÇON] Loi n° 1.520 du 11 février 2022 complétant la Loi n° 1.503 du 23 décembre 2020 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption

La loi n° 1.520 du 11 février 2022 complète et ajuste l’arsenal législatif monégasque de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, afin de le maintenir en conformité avec les standards internationaux les plus élevés, tout en tenant compte des spécificités de la Principauté.

Les compléments et ajustements portés à la loi n° 1.362 du 3 août 2009 concernent :

  • (Les dispositions générales) Professionnels assujettis.
  • (Les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle) Évaluation des risques; obligations de vigilance renforcées.
  • (Les obligations d’organisation interne) Dispositions générales; dispositions particulières aux groupes.
  • (Les obligations de déclaration et d’information) Déclaration de soupçon; opposition du SICCFIN; les professions judiciaires.
  • (La Cellule nationale de renseignement financier) Organisation et mission; pouvoirs et prérogatives.
  • (Le contrôle) Fréquence et étendue; mise en œuvre.
  • (Le transport transfrontalier d’argent liquide) Rétention des fonds ; mise sous séquestre des fonds.
  • (Les sanctions administratives).
  • (Les dispositions transitoires).

LES NOUVEAUX PROFESSIONNELS ASSUJETTIS

  • (Le commerce du luxe) Les commerçants et personnes qui exercent les activités suivantes : 1/ haute joaillerie, 2/ commerce de métaux précieux et de pierres précieuses (n’ayant pas fait l’objet d’un sertissage, d’un assemblage ou d’une transformation dans le cadre de la conception d’articles de bijouterie ou de joaillerie traditionnelle), 3/ le rachat de métaux précieux et de pierres précieuses, 4/ l’horlogerie de luxe, 4/ la vente ou la location d’aéronefs, 5/ la vente ou la location de navires de grande plaisance.
  • (Vente de véhicules terrestres à moteur) Les commerçants et personnes qui organisent la vente de véhicules terrestres à moteur uniquement lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est égale ou supérieure à un montant fixé par ordonnance souveraine, déterminé en fonction du mode de règlement :

– 10.000 euros pour un règlement en espèces (que la transaction soit exécutée en une seule ou plusieurs opérations qui semblent liées);

– 100.000 euros pour tout moyen de paiement autre que les espèces (que la transaction soit exécutée en une seule ou plusieurs opérations qui semblent liées).

  • (Le commerce d’antiquités) Les commerçants et personnes qui négocient ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des antiquités, y compris lorsque celui-ci est réalisé par des galeries d’art et des maisons de vente aux enchères, uniquement lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à 10.000 euros.

ÉVALUATION DES RISQUES – MODUS OPERANDI

Nouveau risque à prendre en considération. Pour l’évaluation et la classification des risques, les professionnels assujettis doivent désormais tenir compte des pays ou zones géographiques considérés.

Preuve. Les personnes et organismes assujettis sont tenus de documenter ces évaluations afin d’en démontrer le fondement au moyen de tout document utile, les tenir à jour et être en mesure de les transmettre au SICCFIN, au Procureur Général ou au Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, selon le cas, par tout moyen écrit.

OBLIGATIONS DE VIGILANCE RENFORCÉES

Mise en œuvre de l’examen particulier. Pour rappel, les personnes et organismes assujettis sont tenus de procéder à un examen particulier du contexte et de la finalité de toute transaction remplissant au moins une de ces conditions : opération complexe ; transaction d’un montant anormalement élevé ; transaction opérée selon un schéma inhabituel ; transaction sans objet économique ou licite apparent.

⇢ L’ examen particulier s’accomplit selon l’appréciation du risque associé au type de client, de la relation d’affaires, du produit ou de la transaction.

⇢ Les personnes et organismes assujettis établissent un rapport écrit des résultats de cet examen portant sur l’origine et la destination des sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et son bénéficiaire.

Mise en œuvre de l’examen particulier (suite). Ce rapport et tous les documents relatifs à l’opération sont transmis à la ou aux personnes responsables (personnes visées à l’article 27 alinéa 3 de la loi n° 1.362) aux fins d’être conservés dans les conditions posées à l’article 23 de la loi n° 1.362 ( délai de conservation: par principe 5 ans, éventuellement prorogé pour une durée maximale de 5 ans).

⇢ Ces mesures s’appliquent également aux opérations impliquant une contrepartie ayant des liens avec un État ou un territoire à haut risque, c’est-à-dire présentant des carences stratégiques dans le dispositif LCB-FT/CO faisant peser une menace significative sur le bon fonctionnement du système financier.

Les relations de «correspondance» bancaire. Il est interdit aux organismes et personnes visés aux chiffres 1°) à 4°) de l’article 1er de la loi n° 1.362 (établissements de crédit, établissements de paiement, entreprises d’assurances…) de maintenir une relation de correspondance bancaire avec un établissement de crédit, un établissement financier ou avec un établissement exerçant des activités équivalentes, dans un pays où il n’a aucune présence physique effective par laquelle s’exerceraient une direction ou une gestion effective, s’il n’est pas rattaché à un établissement ou à un groupe réglementé soumis à une surveillance consolidée et effective.

⇢ Une présence physique effective désigne la présence d’une direction et d’un pouvoir de décision dans un pays. La simple présence d’un agent local ou de personnel non décisionnaire ne constitue pas une présence physique effective.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Approbation par un «membre d’un niveau élevé de la hiérarchie». Les organismes et personnes assujettis doivent mettre en place une organisation et des procédures internes proportionnées à leur nature et à leur taille pour exécuter les obligations LCB-FT/CO qui leur incombent. L’organisation et les procédures internes sont approuvées par un  « membre d’un niveau élevé de la hiérarchie ».

Certification professionnelle. Au sein des organismes financiers visés aux chiffres 1°) à 3°) de l’article 1er  de la loi 1.362 (établissements de crédit, établissements de paiement…), les responsables LCB-FT/CO désignés ainsi que les personnes placées sous leur autorité doivent suivre une formation à l’issue de laquelle leur est délivrée une certification professionnelle, selon des modalités posées par ordonnance souveraine.

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AUX GROUPES

Filiales ou succursales à Monaco ou à l’étranger. Les organismes et personnes assujettis établis sur le territoire de la Principauté qui possèdent des filiales ou succursales à Monaco ou à l’étranger, doivent mettre en œuvre, au niveau du groupe, des programmes de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive en prenant en compte les risques dans ces domaines.

Filiales ou succursales à Monaco ou à l’étranger (suite). Des procédures et contrôles internes particuliers doivent être mis en œuvre, à savoir:

1/ Des dispositifs de contrôle de la conformité, dont notamment la désignation d’un responsable de la conformité au niveau de la direction;

2/ Des procédures de sélection garantissant le recrutement des employés selon des critères exigeants;

3/ Un programme de formation continue des employés;

4/ Une fonction d’audit indépendante pour tester le système.

Mesures équivalentes. Pour rappel, les organismes et personnes assujettis visés à l’article 1er de la la loi 1.362 et le cas échéant l’entreprise mère du groupe imposent à leurs succursales et à leurs filiales établies à l’étranger, dans lesquelles ils détiennent une participation majoritaire, d’appliquer des « mesures équivalentes » à celles prévues par la législation monégasque en matière de LCB-FT/CO en matière de vigilance à l’égard du client, de partage et de conservation des informations et de protection des informations nominatives.

Si la législation de l’État sur le territoire duquel se trouvent situées les succursales ou filiales ne permet pas de mettre en œuvre des « mesures équivalentes »,  des mesures de vigilance spécifiques doivent être mises en place.

DÉCLARATION DE SOUPÇON (domaine matériel)

État du droit antérieur : un domaine matériel restrictif. Jusqu’alors, les professionnels concernés étaient tenus de déclarer au SICCFIN toutes les sommes et fonds inscrits dans leurs livres, toutes opérations ou tentatives d’opérations portant sur des sommes ou fonds, dont ils savent, soupçonnent ou ont des motifs raisonnables de soupçonner « qu’ils proviennent de l’une des infractions de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de corruption ».

Ratione materiae, il en résultait que la déclaration de soupçon ne pouvait porter sur des fonds  provenant d’une infraction sous-jacente (ou primaire) générant les fonds à blanchir. Ce domaine matériel restrictif était contraire à la lettre de la Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 qui conçoit le mécanisme de la déclaration de soupçon comme devant intervenir préalablement à la commission de l’infraction de blanchiment de capitaux afin d’en empêcher la réalisation.

État du droit positif : un domaine matériel élargi. C’est pourquoi une reformulation a été opérée: désormais, les professionnels concernés doivent déclarer au SICCFIN toutes les sommes et fonds inscrits dans leurs livres, toutes opérations ou tentatives d’opérations portant sur des sommes ou fonds, dont ils savent, soupçonnent ou ont des motifs raisonnables de soupçonner « qu’ils proviennent d’une infraction visée à l’article 218-3 du Code pénal (infractions sous-jacentes au blanchiment) ou sont liés au financement du terrorisme ou à la corruption ».

DÉCLARATION DE SOUPÇON (réalisée postérieurement à l’exécution d’une opération)

Déclaration de soupçon ex post « sans délai ». Lorsque les organismes et personnes assujettis sont dans l’impossibilité d’effectuer une déclaration de soupçon avant d’exécuter une opération (report impossible ou risque d’empêcher la poursuite des bénéficiaires des infractions), ils doivent procéder à la déclaration « sans délai » après la réalisation de l’opération.

OPPOSITION DU SICCFIN

Initiative du Procureur Général pour proroger l’opposition. Dès réception de la déclaration de soupçon, le SICCFIN en accuse réception. Si la gravité ou l’urgence de l’affaire le justifie, le SICCFIN peut faire opposition à l’exécution de toute opération pour le compte du client (pendant une durée de 5 jours ouvrables à compter de la notification de la décision d’opposition). Ladite opposition peut être prorogée par ordonnance du Président du Tribunal de première instance sur réquisition du Procureur Général, saisi par le SICCFIN.

Désormais, est reconnue la possibilité pour le Procureur Général de solliciter, à sa propre initiative auprès du Président du Tribunal de première instance, la prorogation des effets de l’opposition du SICCFIN à l’exécution de toute opération pour le compte du client concerné.

LES PROFESSIONS JUDICIAIRES

⇢  Les notaires et huissiers de justice qui, dans l’exercice de leur profession, ont connaissance de faits qu’ils savent ou soupçonnent être liés à une infraction visée à l’article 218-3 du Code pénal (infractions sous-jacentes au blanchiment), au financement du terrorisme ou à la corruption, sont tenus d’en informer sans délai le Procureur Général.

⇢ Les avocats-défenseurs, avocats et avocats-stagiaires doivent, en pareille situation, informer sans délai le Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, sauf si les informations ont été reçues lors d’une consultation juridique, lors de l’évaluation de la situation juridique du client, dans l’exercice d’une mission de défense ou de représentation de l’intéressé ou encore lors de conseils relatifs à la manière d’engager, de conduire ou d’éviter une procédure.

Transmission « dans les meilleurs délais ». Le Procureur Général ou le Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, selon les cas, transmet dans les meilleurs délais au SICCFIN les déclarations de transactions suspectes qui lui sont adressées. Il s’agit de laisser un intervalle de temps au Bâtonnier pour s’assurer de la préservation du secret professionnel.

ORGANISATION ET MISSION

Exercice des missions. Dans l’exercice de ses missions, le SICCFIN agit en « toute indépendance » et « ne reçoit d’instruction d’aucune autorité ».

Professions judiciaires. Le Procureur Général ou le Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, selon les cas, transmet dans les meilleurs délais au SICCFIN les déclarations de transactions suspectes qui lui sont adressées. Le SICCFIN analyse ces déclarations de transactions suspectes et les informations pertinentes transmises. La déclaration de transaction suspecte, son contenu et les suites qui y seront données sont confidentiels, à peine de sanctions (chiffre 4 de l’article 26 du Code pénal : amende de 18.000 à 90.000 euros).

POUVOIRS ET PRÉROGATIVES

Coopération internationale : obligation de réaliser un retour d’informations. Après avoir reçu des informations de cellules de renseignement financier étrangères qui exercent des compétences analogues ou d’autorités étrangères engagées dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, le SICCFIN est tenu d’assurer « un retour d’information en temps opportun, lorsque lesdites cellules ou autorités lui en font la demande ».

FRÉQUENCE ET ÉTENDUE DES CONTRÔLES

Évaluation du profil de risque. La fréquence et l’étendue des contrôles de l’application de la législation LCB-FT/CO par les organismes et personnes assujettis sont déterminées sur la base d’une évaluation des risques établie par le SICCFIN.

L’évaluation du profil de risque est régulièrement reconsidérée, tout particulièrement lorsque surviennent d’importants évènements ou évolutions dans la gestion et les opérations des institutions et groupes financiers.

MISE EN OEUVRE

Approche fondée sur les risques. Les autorités de contrôle (agents du SICCFIN assermentés et Procureur Général) mettent en œuvre une approche de la surveillance fondée sur les risques. Cette approche prend notamment en considération les caractéristiques, la diversité et le nombre des organismes et personnes assujettis.

RÉTENTION DES FONDS

Conditions. L’argent liquide est retenu par l’autorité de contrôle lorsque :

  •  Les obligations de déclaration d’argent liquide accompagnée ou de divulgation d’argent non accompagnée ne sont pas respectées;
  • (ou) Il existe des indices permettant de soupçonner que cet argent, bien que déclaré, soit en lien avec le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, la corruption ou avec des infractions sous-jacentes.

L’autorité de contrôle établit un PV, transmis aux autorités judiciaires compétentes (copie est adressée au SICCFIN). La durée de la rétention ne peut excéder 15 jours (renouvelable sur autorisation du Procureur Général pour une durée maximale de 60 jours).

MISE SOUS SÉQUESTRE DES FONDS

Poursuites engagées. Lorsque des poursuites sont engagées, le Président du Tribunal de première instance peut ordonner, sur réquisitions du Procureur Général, une mise sous séquestre de tout ou partie des fonds concernés par l’obligation de déclaration, jusqu’à la décision définitive de la juridiction statuant au fond.

La mainlevée totale ou partielle des mesures conservatoires peut être demandée à tout moment.

SICCFIN ⇢ MINISTRE D’ÉTAT ⇢ COMMISSION D’EXAMEN DES RAPPORTS DE CONTRÔLE (CI-APRÈS « CERC »)

Des manquements graves, répétés ou systématiques par un organisme ou une personne assujetti à tout ou partie des obligations de vigilance lui incombant peuvent donner lieu au prononcé d’une sanction administrative par le Ministre d’État. Le Ministre d’État est saisi par le SICCFIN. Le Ministre d’État transmet « sans délai » les rapports de contrôle, les pièces justificatives et tous les faits caractérisant les manquements à une commission ad hoc : la Commission d’examen des rapports de contrôle.

COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT DE LA CERC

La commission est composée de 9 membres (2 Conseillers d’État –  désignés Président et Vice-Président de la CERC, 2 magistrats du TPI, 5 personnalités désignées par le Ministre d’État en raison de leurs compétences dans le domaine LCB-FT/CO). Les membres sont nommés pour 5 ans (mandat renouvelable une fois). Ils sont tenus au secret professionnel.

Réunie sur convocation de son Président, la commission ne peut valablement délibérer que si elle est composée de 4 membres désignés par le Président parmi lesquels le Président (ou le Vice-Président), un magistrat et deux personnalités désignées par le Ministre d’État.

RETRAIT D’UN MEMBRE 

Tout membre de la commission informe le Président de toute situation de conflit d’intérêts dans laquelle il se trouve ou peut se trouver .

LA RÉCUSATION D’UN DES MEMBRES DE LA CERC

(Ordonnance Souveraine n° 9.170 du 4 avril 2022 portant modification de l’Ordonnance Souveraine n° 2.318 du 3 août 2009 fixant les conditions d’application de la loi n° 1.362 précitée)

La composition de la commission est communiquée à la personne mise en cause avec la convocation. Cette dernière peut demander récusation d’un des membres s’il existe une raison sérieuse de douter de l’impartialité de celui-ci.

⇢ Demande de récusation. Elle doit être formée par acte motivé auprès du secrétaire général de la CERC par la personne mise en cause (ou son mandataire) au plus tard 10 jours ouvrables à compter de la notification de la composition de la commission.

À peine d’irrecevabilité, la demande doit viser nominativement le membre concerné et indiquer les motifs de la récusation dûment justifiés.

⇢ Acquiescement ou opposition à la récusation du membre de la CERC visé. Dans un délai de 8 jours ouvrables à compter de la communication de la demande, le membre visé fait connaître par écrit son acquiescement ou son opposition à la récusation.

S’il acquiesce, un autre membre lui est substitué. S’il refuse ou ne répond, la CERC statue sur la demande de récusation (sans la participation du membre concerné). La décision rendue par la CERC n’a pas à être motivée et elle est insusceptible de recours.

LES SUITES DE LA SAISINE DE LA CERC

Trois issues procédurales sont possibles consécutivement à la saisine de la CERC :

1 –  Pas de sanction

La CERC estime qu’il n’y a manifestement pas lieu de proposer une sanction. Elle en informe le Ministre d’État. Ce dernier informe la personne mise en cause et le SICCFIN.

2 – Avertissement

La CERC estime que les constats opérés par le SICCFIN sont susceptibles d’être sanctionnés par un avertissement.

⇢  Acceptation de l’avertissement. Si le Ministre d’État décide de prononcer l’avertissement, il en informe la personne mise en cause par lettre recommandée. La personne mise en cause dispose d’un mois pour accepter ou refuser la sanction.  L’acceptation de cette « proposition de sanction » emporte renonciation à l’exercice de tout recours contre la décision de sanction prononcée par le Ministre d’État.

⇢  Refus de l’avertissement. Si le Ministre d’État refuse de prononcer l’avertissement, il ajourne le prononcé de la sanction dans l’attente de l’accomplissement de la procédure prévue à l’article 65-3 de la loi n° 1.362. Cette décision est notifiée à la CERC. Il en est de même si la personne mise en cause refuse ou ne donne pas de réponse à la proposition de sanction du Ministre d’État.

3 – Sanctions plus sévères (l’article 65-3)

Notification des griefs. La CERC notifie, par écrit, à la personne mise en cause, les griefs susceptibles d’être qualifiés de manquements. Ces griefs comprennent « l’énonciation précise des faits reprochés, ainsi que des dispositions auxquelles ils contreviendraient. Ils sont accompagnés d’une copie du rapport de contrôle prévu à l’article 54 et de l’ensemble des pièces sur lesquelles il se fonde ».

⇢  Délai raisonnable. Cette notification doit intervenir dans un délai de 18 mois à compter de la date de saisine de la CERC par le Ministre d’État. Le non-respect de ce délai de notification empêche le prononcé de l’une des sanctions prévues aux articles 67 et 67-3 de la loi n° 1.362.

⇢  Personne morale. Si la personne mise en cause est une personne morale, les griefs doivent tout à la fois être notifiés à cette dernière et à ses représentants légaux.

⇢  Observations écrites. À réception de la notification, la personne mise en cause dispose de 2 mois pour formuler ses observations écrites. Le Président de la CERC, sur demande motivée de la personne mise en cause, peut lui accorder un délai supplémentaire d’une durée ne pouvant excéder 1 mois. La demande de délai supplémentaire doit être formée au plus tard 5 jours ouvrés avant l’expiration du délai initial de 2 mois.

⇢  Copie du dossier. Sur simple demande adressée au secrétariat de la CERC, la personne mise en cause peut obtenir copie du dossier dont dispose la commission.

⇢  Auditions. La personne mise en cause peut demander l’audition, en sa présence, de toute personne qu’elle estime utile à sa défense (à l’exclusion des membres du SICCFIN ou de tout autre fonctionnaire). La CERC dispose également de cette prérogative.

Après réception des explications de la personne mise en cause et audition des personnes précitées, la CERC peut estimer qu’il n’y a pas lieu de proposer une sanction. Elle en informe le Ministre d’État. Ce dernier informe la personne mise en cause et le SICCFIN.

⇢  Convocation de la personne mise en cause. Cette dernière est appelée à fournir des explications. La convocation « indique les suites réservées à la demande éventuelle d’audition et informe la personne mise en cause de l’identité des personnes dont la commission a estimé l’audition utile ». Lors de son audition, la personne mise en cause peut être assistée du conseil de son choix.

Les explications de la personne mise en cause, et le cas échéant, de son conseil et des autres personnes auditionnées, sont consignées dans un P.V. établi par la CERC.

⇢  Délibération. La CERC délibère hors la présence du rapporteur désigné de l’affaire.

DÉCISION DU MINISTRE D’ÉTAT

Le Ministre d’État informe la personne mise en cause de sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postale. Il en informe également la CERC et le SICCFIN.

Postérieurement à la notification de la décision, la personne mise en cause peut obtenir copie de l’avis motivé de la CERC.

LES SANCTIONS PRONONCÉES PAR LE MINSTRE D’ÉTAT

  • Des sanctions administratives : avertissement, blâme, injonction ordonnant à la personne physique ou morale de mettre un terme au comportement en cause et lui interdisant de le réitérer, interdiction d’effectuer certaines opérations ou encore la suspension temporaire ou la révocation de l’autorisation d’exercer et du permis de travail;
  • Des sanctions pécuniaires (alternatives ou complémentaires aux sanctions administratives précitées): le montant ne peut supérieur à 1 million d’euros ou au double de l’avantage retiré du manquement (lorsque ce montant est déterminable).

Nonobstant le prononcé d’une sanction, le Ministre d’État peut mettre en demeure tout organisme ou personne assujetti mis en cause de remédier aux manquements relevés. Au plus tard dans le délai de 2 mois suivant l’expiration du délai fixé par la décision de sanction, la personne concernée adresse au SICCFIN un rapport de remédiation. SICCFIN s’assurera de ceci en procédant à des vérifications.

Sursis. Les sanctions d’interdiction d’effectuer certaines opérations, la suspension temporaire ou la révocation de l’autorisation d’exercer et du permis de travail peuvent être assorties du sursis.

Le Ministre d’État a la faculté de prononcer à l’encontre des dirigeants des organismes assujettis mis en cause une décision temporaire d’exercice des fonctions de direction au sein de ces entités pour durée ne pouvant excéder 10 ans. Le Ministre d’État peut également prononcer leur révocation d’office (avec ou sans nomination d’un administrateur provisoire).  Ce pouvoir de sanction peut être étendu aux membres de l’organe d’administration lorsque leur responsabilité directe et personnelle est reconnue.

APPLICATION DANS LE TEMPS DES DISPOSITIONS DE LA LOI NOUVELLE

⇢ Avis de la CERC déjà rendu à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. En pareille hypothèse, les procédures de sanctions demeurent régies par les dispositions de la loi n° 1.362 modifiées par la loi n°1.503 du 23 décembre 2020 et les textes pris pour son application.

⇢ Personne mise en cause entendue par la CERC sans qu’un avis ne soit rendu à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. En pareille hypothèse, les procédures de sanctions demeurent régies par les dispositions de la loi n° 1.362 modifiées par la loi n°1.503 du 23 décembre 2020 et les textes pris pour son application, exception faite des 8 derniers alinéas de l’article 67 dans leur rédaction issue de la présente loi, d’application immédiate (rapport de remédiation etc…).

⇢ Notification des griefs à la personne mise en cause à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. En pareille hypothèse,  les dispositions de la loi nouvelle s’appliquent, exception faite:

-de l’article 65-1 alinéa 2 (formes et conditions de transmission des rapports du Ministre d’État à la CERC);

de l’article 65-3 alinéas 1 et 2 (formes et conditions de notification des griefs par la CERC à la personne mise en cause).

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