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[LCB/FRAUDE/CONTREFAÇON] Loi n° 1.521 du 11 février 2022 portant diverses mesures pénales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces

En application de l’Accord Monétaire du 29 novembre 2011 (rendu exécutoire par l’Ordonnance Souveraine n° 3.559 du 5 décembre 2011), la Principauté de Monaco s’est engagée à adopter des mesures équivalentes aux actes juridiques et aux règles de l’Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment et de lutte contre la fraude et la contrefaçon.

À cet effet, la loi n° 1.521 publiée au Journal de Monaco du 11 février 2022 met en adéquation certaines dispositions de l’arsenal répressif monégasque avec les prescriptions de certaines directives européennes :

– Directive (UE) 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal ;

– Directive (UE) 2019/713 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autre que les espèces.

Quelles sont les modifications apportées au droit monégasque ?

CONFISCATION

La preuve de l’origine des biens (Article 12 al. 2 du Code pénal)

Lorsque l’infraction considérée est punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement, la charge de la preuve de l’origine des biens dont la confiscation est envisagée pèse sur l’auteur. L’origine illicite des biens est présumée.

La préservation des droits du tiers (à la procédure pénale) propriétaire de bonne foi (Article 12 al. 3 et 4 du Code pénal).

La confiscation d’un bien en lien avec une infraction doit nécessairement être conciliée avec les droits du tiers propriétaire de bonne foi, lequel doit disposer d’un recours effectif afin que sa cause soit entendue équitablement devant une juridiction (en ce sens : CJUE, 13 janvier 2021, aff. C-393-19 ; Conseil constitutionnel, Décision 2021-949/950 QPC du 24 novembre 2021).

Les observations du tiers pendant la procédure. Pour préserver les droits du tiers propriétaire de bonne foi, lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’elle revendique et sa bonne foi.

Les observations du tiers après le jugement. À défaut d’intervention au cours de la procédure, le tiers peut exciper de sa bonne foi postérieurement au jugement dans les conditions prévues à l’article 436 du Code de procédure civile (tierce opposition en matière civile).

Élément moral (Articles 218-1 et 218-2 du Code pénal).

Définition extensive de l’élément moral de l’infraction de blanchiment (Article 218-1 du Code pénal). Est retenue une définition extensive de l’élément moral de l’infraction de blanchiment aux fins de réprimer de ce chef la personne qui « soupçonne » ou « ne peut ignorer » que le bien constituait le produit d’une infraction. D’ailleurs, la lettre de l’article 218 précise in fine que l’élément moral de l’infraction de blanchiment peut « être déduit de circonstances factuelles objectives ».

Moindre élément moral : la négligence (Article 218-2 du Code pénal). Encourt les mêmes peines toute personne qui « aurait dû être consciente de l’origine illicite des biens et capitaux ».

Nouvelle circonstance aggravante (Article 218-2 du Code pénal).

La peine pour faits de blanchiment est aggravée lorsque l’auteur de l’infraction est :

– une personne physique énumérée aux articles premier ou 2 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, modifiée ;

– (ou) une personne physique exerçant une activité professionnelle au sein d’un organisme ou d’une personne morale visé à l’article premier de ladite loi ;

– (et) a commis l’infraction dans l’exercice de ses activités professionnelles.

Entente ou association (ancien article 218-1 al. 3 du Code pénal).

Est supprimé le troisième alinéa de l’article 218-1 du Code pénal disposant que l’entente ou l’association en vue de commettre le blanchiment du produit d’une infraction est punie des mêmes peines que le délit consommé (Erratum à la loi n° 1.521 du 11 février 2022 portant diverses mesures pénales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autre que les espèces, publiée au Journal de Monaco du 11 février 2022).

Responsabilité pénale des personnes morales (Article 218-1-1 du Code pénal).

Est explicitement prévu l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale comme auteur ou complice lorsque le défaut de surveillance ou de contrôle de la part d’une personne exerçant une fonction dirigeante a rendu possible la commission d’une infraction de blanchiment :

– pour le compte de ladite personne morale ;

– par une personne physique soumise à son autorité (la responsabilité pénale de la personne morale n’exclut pas celle de la personne physique).

Exception au principe de double incrimination (Article 218-1 al. 2 du Code pénal).

Le principe de double incrimination. La double incrimination est une condition classique du droit de l’entraide internationale en matière pénale. Selon ce principe, l’État requis à une demande d’entraide contrôle que l’infraction poursuivie est punissable selon les lois de l’État requérant et selon son propre droit. Cela permet de garantir que la coopération n’est accordée que pour des comportements répréhensibles dans les deux États.

Exception au principe de double incrimination. Il est fait exception au principe de double incrimination prévu par l’article 218-1 du Code pénal lorsque l’infraction génératrice de fonds blanchis commise à l’étranger est de celles visées à l’article 2.1 a) à e) et h de la Directive (UE) 2018/1673 précitée, à savoir les infractions de participation à un groupe criminel organisé, de racket d’extorsion, de terrorisme, de traite des êtres humains et trafic illicite de migrants, d’exploitation sexuelle, de trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ou encore de corruption.

Extension des infractions couvertes (article 218-3 du Code pénal).

Infractions contre l’environnement. Sont ajoutées à la liste des infractions sous-jacentes au blanchiment non couvertes par le seuil de punissabilité (peine d’emprisonnement supérieure à 1 an) certaines infractions contre l’environnement.

Atteintes aux droits d’auteur. En matière de contrefaçon et de piratage de produits, l’éventail des infractions couvertes par cette catégorie est élargi. Est désormais réprimé le blanchiment du produit des atteintes aux droits d’auteur.

 

Définition actualisée (article 389-13 du Code pénal).

On entend par « instrument de paiement autre que les espèces », tout dispositif, objet ou enregistrement protégé non matériel ou matériel ou une combinaison de ces éléments, autre que la monnaie légale, qui, à lui seul ou en liaison avec une procédure ou un ensemble de procédures, permet à son titulaire ou à son utilisateur d’effectuer un transfert d’argent ou de valeur monétaire, y compris par des moyens d’échange numériques.

Glossaire (article 389-13 du Code pénal).

Dispositif, objet ou enregistrement protégé : tout dispositif, objet ou enregistrement protégé contre les imitations et les utilisations frauduleuses (par exemple dans sa conception ou par un codage ou une signature).

Moyens d’échange numérique : toute monnaie électronique ou monnaie virtuelle.

Monnaie électronique : toute valeur monétaire stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique.

Monnaie virtuelle : toute représentation numérique de valeur qui n’est ni émise ou garantie par une banque centrale ou une autorité publique, ni nécessairement attachée à une monnaie établie légalement et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie ou d’argent, mais qui est acceptée comme moyen d’échange par des personnes physiques ou morales et peut être transférée, stockée et échangée par voie électronique.

Infractions liées (article 389-14 du Code pénal).

Sont érigés en infractions les agissements liés à l’utilisation frauduleuse d’instruments de paiement matériels et non matériels autres que les espèces.

Par ailleurs, en matière de contrefaçon des instruments de paiement matériels, est supprimé le mobile tenant en « une utilisation frauduleuse » (ancien article 389-14 al. 2 du Code pénal).

Fraude liée aux systèmes d’information (article 389-15 du Code pénal).

Est désormais visé le transfert de monnaie virtuelle. En conséquence, est une infraction punissable, lorsqu’il est intentionnel, le fait pour quiconque, d’effectuer ou faire effectuer frauduleusement, un transfert d’argent, de monnaie virtuelle ou de valeur monétaire, causant ainsi de manière illicite une perte de propriété à un tiers dans le but de procurer un avantage économique illégal à la personne qui commet l’infraction ou à une tierce partie.

Outils utilisés pour commettre l’infraction (article 389-16 du Code pénal).

Est puni de 5 ans d’emprisonnement et de l’octuple de l’amende prévue au chiffre 4 de l’article 26 du Code pénal (soit de 144.000 à 720.000 euros), le fait pour quiconque d’avoir frauduleusement produit, obtenu pour soi-même ou pour autrui, importé, exporté, vendu, transporté, diffusé ou mis à disposition un dispositif, un instrument, des données informatiques ou d’autres moyens principalement conçus ou spécifiquement adaptés pour commettre les infractions visées aux articles 389-14 (chiffres 1°,2°,4° et 5°) et 389-15 du Code pénal.

Responsabilité pénale des personnes morales (article 389-17-1 du Code pénal).

Est explicitement prévu l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale comme auteur ou complice de toute infraction prévue à la présente section, lorsque l’absence de surveillance ou de contrôle de la part d’un organe ou d’un représentant a rendu possible la commission de cette infraction :

– pour le compte de ladite personne morale ;

– par une personne physique soumise à son autorité (la responsabilité pénale de la personne morale n’exclut pas celle de la personne physique).

Modalités d’individualisation (article 391-17 du Code pénal).

La juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale, ainsi que des condamnations définitives prononcées à son encontre par une juridiction étrangère.

DÉLITS COMMIS HORS DE LA PRINCIPAUTÉ

Suppression des restrictions de compétence des juridictions monégasques (article 6-1-1 du Code de procédure pénale).

Tout Monégasque qui, hors du territoire de la Principauté, se sera, en qualité d’auteur ou complice, rendu coupable d’un fait qualifié de corruption, de trafic d’influence, de blanchiment ou d’infraction relative aux instruments de paiement autres que les espèces, par la loi monégasque, pourra être poursuivi et jugé dans la Principauté.

Pour la commission de tels faits délictueux, ne sont plus applicables les conditions prévues par l’article 6 du Code de procédure pénale :

– double incrimination ;

– Requête du Ministère public sur la plainte de la partie lésée ou sur dénonciation officielle faite à l’autorité monégasque par l’autorité du pays où le délit a été commis.

Exception aux restrictions de compétences des juridictions monégasques (article 8-1 du Code de procédure pénale).

Quiconque, sur le territoire de la Principauté, se sera rendu complice d’un fait qualifié de blanchiment ou d’infraction relative aux instruments de paiement autre que les espèces par la loi monégasque et commis à l’étranger, pourra être poursuivi dans la Principauté.

Pour la commission de tels faits délictueux, ne sont plus applicables les conditions posées par l’article 8-1 du Code de procédure pénale :

– le cas de complicité doit être prévu par la loi étrangère ;

– le fait principal doit avoir été constaté par une décision définitive de la juridiction de jugement.

ENQUÊTE

Création d’une technique spéciale d’enquête : la procédure de suivi des opérations bancaires (Article 106-11-1 du Code de procédure pénale).

Est consacrée une nouvelle mesure d’instruction permettant de suivre, pendant une période déterminée, les opérations bancaires sur un ou plusieurs comptes identifiés :

– Le suivi est effectué sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction ;

– La période de suivi ne peut excéder deux mois (renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée).

Techniques spéciales d’enquête (Articles 106-12 et 106-17 du Code de procédure pénale)

Sont désormais permises des techniques spéciales d’enquête : sonorisations et fixations d’images ou encore enquêtes discrètes relativement aux faits de blanchiment et d’infraction relative aux instruments de paiement, en l’absence d’implication d’un groupe criminel organisé.

ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE

Prévention et règlement des conflits de compétence entre la Principauté et les États membres de l’Union européenne dans la lutte contre le blanchiment de capitaux (article 596-7 du Code de procédure pénale).

Lorsque des faits de blanchiment relèvent de la compétence de plus d’un État membre et lorsque l’un des États membres concernés peut valablement engager des poursuites sur la base des mêmes faits, les États membres concernés doivent coopérer pour centraliser les poursuites dans un seul État.

Les équipes de Zabaldano Avocats restent à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos interrogations.

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