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[JURISPRUDENCE] TRIBUNAL SUPRÊME, 30 novembre 2023, Monsieur A.M. c/ État de Monaco

Le refus d’accorder l’autorisation de créer une SAM et le principe de la présomption d’innocence

Le refus d’autorisation. En décembre 2021, le requérant, administrateur et directeur au sein d’une société de conseil spécialisée dans la gestion et l’administration de diverses sociétés en Principauté, sollicite l’approbation de statuts et l’autorisation de constitution d’une société anonyme monégasque (ci-après « SAM »).

Suite à une enquête administrative diligentée dans le cadre de l’instruction de cette demande, la Direction de la Sûreté Publique apprend qu’il est placé sous contrôle judiciaire depuis le 8 novembre 2021 dans le cadre d’une commission rogatoire des chefs « d’escroqueries, de complicité d’escroqueries, d’exercice sans autorisation des fonctions d’expert-comptable de comptable agréé, de blanchiment ainsi que de complicité de recel de blanchiment ».

Sur la base de cette enquête administrative, le Ministre d’État considère que le requérant ne présente pas « toutes les garanties de moralité que l’administration est en droit d’attendre du fondateur et futur actionnaire d’une société anonyme monégasque ». Il oppose un refus à la demande.

La contestation du refus. Le 15 avril 2022, le requérant forme un recours gracieux à l’encontre de la décision de refus. L’administration garde le silence dans le délai de 4 mois imparti. Une décision implicite de rejet est donc acquise le 15 août 2022. Le requérant demande au Tribunal Suprême l’annulation de ces décisions et la condamnation de l’État monégasque à des dommages et intérêts.

Le Tribunal Suprême rejette la requête du requérant :

– le refus d’autorisation de créer une SAM est une mesure de police administrative ;

– le principe de la présomption d’innocence est inapplicable aux mesures de police administrative.

Les contours de la police administrative. Aux termes de l’article 1er de la Loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, la police administrative a pour double objectif :

– de déceler, d’identifier, de prévenir et de faire cesser toute menace susceptible de porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité des personnes et des biens ainsi qu’aux intérêts fondamentaux de la Principauté ;

– de prévenir la commission d’infractions pénales.

La police administrative comprend la police municipale exercée par le maire, et la police générale exercée, sur l’ensemble du territoire de la Principauté par le Ministre d’État.

Les « enquêtes administratives ». Le Directeur de la Sûreté Publique procède, sur instructions du Ministre d’État ou du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur, préalablement aux actes ou décisions d’autorités administratives compétentes, à des enquêtes aux fins de vérifier que des personnes physiques ou morales concernées par ces actes ou décisions, présentent des garanties appropriées et que leurs agissements ne sont pas incompatibles avec ceux-ci (Titre III de la Loi n° 1.430 précitée).

Le refus d’accorder l’autorisation de créer une SAM. Les statuts d’une SAM, établis par acte authentique, doivent être approuvés par arrêté du Ministre d’État. Le refus d’accorder une telle autorisation est une mesure de police administrative. En l’espèce, l’enquête administrative diligentée fait état d’un contrôle judiciaire du requérant pour des infractions économiques. Cet élément défavorable a permis au Ministre d’État de justifier légalement sa position sans commettre une erreur manifeste d’appréciation.

Le requérant indique qu’il entend obtenir une ordonnance de non-lieu du juge d’instruction dans le cadre de la procédure pénale en cours. Il estime qu’une personne placée sous contrôle judiciaire doit pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence.

Le Tribunal Suprême précise que le principe de la présomption d’innocence énoncé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne s’applique pas aux mesures de police administrative.

Le refus d’accorder l’autorisation de créer la SAM n’est pas une sanction administrative. Il vise à prévenir les troubles à l’ordre public et non à punir une personne ayant enfreint une réglementation. La sanction administrative est une mesure répressive. Elle intervient pour punir un comportement et éviter sa réitération. La mesure de police administrative est une mesure préventive. Elle a pour seul objet d’éviter la survenance de troubles à l’ordre public.

La présente note est informative. Zabaldano Avocats n’est pas intervenu dans le cadre de ce contentieux.

Les équipes de ZABALDANO Avocats sont à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos interrogations.

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