La loi n° 1.560 du 2 juillet 2024 fixe le cadre juridique de l’activité de marchand de biens, en la dotant d’une réglementation appropriée, adaptée à ses particularités et aux besoins du secteur immobilier.
La loi n° 1.560 du 2 juillet 2024 :
– pose une définition de l’activité de marchand de biens (I) ;
– détermine les conditions nécessaires pour y accéder et l’exercer (II) ;
– fixe le régime fiscal qui lui est applicable (III) ;
– (et) détaille le régime des sanctions administratives et pénales encourues en cas de méconnaissance de ses dispositions (IV).
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L’activité de marchand de biens “consiste pour des personnes physiques ou morales à réaliser, à titre habituel et pour leur propre compte, des opérations d’achat de biens immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts sociales de sociétés civiles visées à l’article 13 bis – 7° de la loi n° 580 du 29 juillet 1953 portant aménagement des droits d’enregistrement et d’hypothèques, modifiée, en vue de les revendre”.
Les parts sociales de sociétés civiles concernées
Il s’agit des actions ou parts de sociétés civiles immatriculées à Monaco, autres que celles ayant la forme anonyme ou en commandite, et dont l’actif social, détenu directement ou par l’intermédiaire d’une participation dans une ou plusieurs sociétés civiles, comprend des biens immeubles ou des droits réels portant sur des biens immobiliers situés en Principauté.
Les lotisseurs
Les lotisseurs, à savoir les personnes qui acquièrent des immeubles en vue de les aménager et de les diviser en lots ou de les réunir dans le but de les revendre, sont assimilés aux marchands de biens.
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1 – Déclaration et autorisation d’exercer
Personnes physiques de nationalité monégasque
Déclaration
Les personnes physiques de nationalité monégasque sont soumises au dépôt d’une déclaration d’exercice auprès du Ministre d’État dès lors que l’activité n’est pas exercée au travers d’une société anonyme ou d’une société en commandite par actions.
Autorisation administrative
Les personnes physiques de nationalité monégasque doivent obtenir une autorisation administrative du Ministre d’État lorsqu’elles souhaitent exercer leur activité au travers d’une société anonyme ou d’une société en commandite par actions.
Personnes physiques de nationalité étrangère
Autorisation administrative
Les personnes physiques de nationalité étrangère doivent obtenir une autorisation administrative du Ministre d’État lorsqu’elles souhaitent exercer leur activité en tant que personne physique ou au travers d’une société anonyme ou d’une société en commandite par actions.
2 – Résidence effective en Principauté
Personnes physiques
La délivrance de l’autorisation administrative d’exercice est subordonnée pour les personnes physiques exerçant en nom personnel et les gérants de SARL à la justification de leur résidence effective à Monaco.
Personnes morales
La délivrance de l’autorisation administrative d’exercice est subordonnée, pour les personnes morales, à la détention directe ou indirecte d’au moins 75 % de leur capital social par :
– des personnes physiques de nationalité monégasque ;
– (ou par) des personnes physiques de nationalité étrangère justifiant de leur résidence effective à Monaco.
NB : la notion de résidence ”effective” implique la nécessité de démontrer que le centre principal des intérêts personnels et économiques de la personne qui souhaite exercer est réellement circonscrit en Principauté.
3 – Garantie financière
Obligation de garantie
Toute personne physique ou morale qui procède à la déclaration d’exercice ou qui sollicite l’autorisation administrative doit justifier de l’obtention d’une garantie financière affectée au paiement de tout ou partie du droit d’enregistrement (en matière de mutation à titre onéreux) en cas de défaillance.
Modalités
Elle doit être prise sous la forme d’une garantie à première demande à l’égard du Trésor. Aucune exception ne peut être posée à son exécution. En cas de cessation de garantie, obligation est faite à la banque ou à l’établissement financier ainsi qu’au marchand de biens d’en informer sans délai le Ministre d’État.
L’Ordonnance Souveraine n° 10.745 du 5 août 2024 précitée apporte les précisions suivantes :
– Le montant de la garantie financière est fixé à 50 000 euros.
– La garantie à première demande à l’égard du Trésor est prise pour une période de 2 ans renouvelée au moins 2 mois avant son échéance.
– Le marchand de biens doit transmettre à la Direction du Développement Économique un document émis par le garant attestant la constitution de la garantie financière au moment de son inscription au RCI et au moins un mois avant l’échéance de validité de la garantie financière.
NB : ce document doit expressément mentionner le montant de la garantie financée, sa période de validité, le nom de l’établissement qui l’a émise et l’adresse de son siège social.
– La Direction des Services Fiscaux appelle et met en oeuvre la garantie financière en cas de défaillance résultant d’une sommation de payer suivie d’un refus ou demeurée sans effet pendant un délai d’un mois à compter de la signification de la sommation faite au marchand de biens par la Direction des Services Fiscaux.
4 – Assurance de responsabilité civile professionnelle
Toute personne physique ou morale qui procède à la déclaration d’exercice ou qui sollicite l’autorisation administrative doit justifier de la souscription d’un contrat d’assurance auprès d’un agent général d’assurances ou d’un courtier en assurances agréé pour pratiquer dans la Principauté.
Toute suspension de garanties, toute dénonciation de la tacite reconduction ou toute résiliation du contrat doit être portée sans délai à la connaissance du Ministre d’État par l’entreprise d’assurance et par le marchand de biens titulaire du contrat.
L’Ordonnance Souveraine n° 10.745 du 5 août 2024 précise qu’une copie du contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle doit être transmise à la Direction du Développement Économique à l’inscription du marchand de biens au RCI.
L’exonération des droits d’enregistrement est supprimée. Lui est substituée une exonération de moitié des droits d’enregistrement applicables sous réserve du respect de 4 conditions cumulatives :
– Le marchand de biens doit se conformer aux obligations particulières faites aux personnes se livrant à des opérations d’intermédiaire pour l’achat ou la vente des immeubles ou des fonds de commerce ou de clientèles prévues par l’article 8 de la loi n° 474 du 4 mars 1948 (tenue de répertoires présentant les mandats, les promesses de vente, les actes translatifs de propriété…) ;
– Le marchand de biens doit souscrire à la Direction des Services Fiscaux une déclaration conforme au modèle fourni par l’administration dans les 15 jours à compter de son inscription au RCI ;
– Le marchand de biens doit faire connaître dans l’acte d’acquisition son intention de revendre dans le délai de 3 ans (prorogation d’un an possible) ;
– Le marchand de biens doit s’engager, dans l’acte d’acquisition, à justifier lors de la revente et dans les conditions précisées par Ordonnance Souveraine, de la conformité du bien aux normes en vigueur, notamment électriques et énergétiques.
Sur ce dernier point, l’Ordonnance Souveraine n° 10.745 du 5 août 2024 précise que le marchand de biens doit produire auprès du notaire, au moment de la signature de l’acte de vente, une attestation relative aux normes électriques et une attestation relative aux normes énergétiques, datées de moins d’un an, établies par un organisme de contrôle agréé en Principauté.
À défaut de revente dans le délai de 3 ans (ou 4 ans en cas de prorogation) ou à défaut de conformité du bien aux normes en vigueur, le marchand de biens est tenu de s’acquitter de la différence entre le droit d’enregistrement visé par la présente loi et celui dont il est redevable en vertu des articles 12, 13 bis et 16 de la loi n° 580 du 29 juillet 1953 portant aménagement des droits d’enregistrement et d’hypothèques, outre l’intérêt de retard y afférent calculé au taux de l’intérêt légal ainsi qu’un droit supplémentaire de 5 %.
Ces droits et intérêts de retard doivent être versés dans le mois suivant l’expiration du délai de 3 ou 4 ans.
Sanctions administratives
La déclaration d’exercer peut faire l’objet d’une suspension ou être privée d’effet dans les conditions prévues par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991.
De même, l’autorisation peut être suspendue ou révoquée dans les conditions posées par la loi n° 767 du 8 juillet 1964 relative à la révocation des autorisations de constitution des sociétés anonymes et en commandite par actions.
La non-réalisation d’opérations sans motif légitime pendant plus de 3 ans par l’auteur de la déclaration ou le titulaire de l’autorisation peut aboutir aux mêmes sanctions.
Sanctions pénales
Est puni de l’amende prévue au chiffre 4° de l’article 26 du Code pénal (18 000 à 90 000 euros) le fait de :
– se livrer à des opérations sans avoir procédé à la déclaration d’exercer ou sans avoir obtenu l’autorisation administrative ;
– prêter son nom pour procéder à la déclaration d’exercer ou obtenir l’autorisation administrative ;
– continuer à se livrer aux opérations alors que la déclaration d’exercer est suspendue ou privée d’effets ou que l’autorisation administrative est suspendue ou révoquée.
Le montant de l’amende peut être porté au double du profit réalisé.
Est également puni de l’amende prévue au chiffre 4° de l’article 26 du Code pénal, l’entreprise d’assurance ou le marchand de biens qui méconnait son obligation de porter sans délai à la connaissance du Ministre d’État toute suspension de garantie, dénonciation de la tacite reconduction ou résiliation du contrat d’assurance de responsabilité professionnelle.