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REPORT D’UNE VENTE AUX ENCHÈRES IMMOBILIÈRE : LE TRIBUNAL RECONNAÎT QU’UN OFFRE D’ACHAT FERME EST UNE CAUSE TRES GRAVE ET DUMENT JUSTIFIÉE TPI, Jugement du 20 mars 2025

Notre cliente, une société civile immobilière monégasque, fait l’objet d’une procédure de saisie immobilière initiée par une banque pour non-remboursement d’un prêt hypothécaire de plusieurs dizaines de millions d’euros.

L’adjudication était fixée au 21 mars 2025.

Par jugement du 20 mars 2025, le Tribunal de Première Instance de Monaco a toutefois ordonné le report de la vente aux enchères au 16 mai 2025.

La société débitrice a assigné la banque à bref délai afin d’obtenir un report de la vente, invoquant l’article 609 du Code de procédure civile (« CPC ») qui permet une remise pour “cause très grave et dûment justifiée” dans un délai maximal de 60 jours.

Au soutien, elle a fait valoir l’existence :

  • De plusieurs offres de refinancement en cours de finalisation ;
  • Et surtout, d’une offre ferme d’achat à réméré, payable à brève échéance.

La banque s’est opposée à cette demande en :

  • Soulevant l’irrecevabilité de l’assignation pour non-respect du délai prévu pour les incidents de saisie (article 642 CPC) ;
  • Contestant la gravité des motifs invoqués.

Le Tribunal de première instance a :

  • Rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la banque, considérant que la demande de remise ne constitue pas un incident de saisie immobilière soumis aux dispositions dérogatoires au droit commun de l’article 642 du CPC ;
  • Reconnu l’existence d’une cause très grave et dûment justifiée, fondée sur l’offre ferme d’achat à réméré aux motifs que :
    • L’offre était chiffrée, acceptée, accompagnée du versement d’un acompte et réalisée dans un cadre professionnel, avec intervention d’un notaire ;
    • La preuve de la disponibilité immédiate des fonds par l’acquéreur était rapportée ;
    • Le créancier pouvait être désintéressé dans un délai raisonnable, évitant ainsi une vente forcée portant une atteinte excessive au droit de propriété.
  • Ordonné le report de la vente au 16 mai 2025 selon les mêmes modalités et publicités prévues pour la date initiale.

Le Tribunal a souligné que, bien que le créancier dispose d’un droit légitime à exécuter sa garantie hypothécaire, celui-ci doit être mis en balance avec le droit de propriété du débiteur, notamment lorsqu’une alternative sérieuse et imminente permet d’éviter la vente forcée.

 

  1. Distinction entre incident de saisie immobilière et demande de remise d’adjudication

Le Tribunal a précisé que la demande de remise fondée sur l’article 609 du CPC ne constitue pas un incident de saisie immobilière au sens de l’article 642 du CPC. Cette distinction est essentielle car elle permet :

  • D’écarter l’exigence du délai de six jours francs prévu pour les incidents ;
  • Et de valider une assignation à bref délai autorisée par le Président sur le fondement de l’article 160 du CPC.

2. Définition et portée de la “cause très grave et dûment justifiée”

Le Tribunal a admis qu’une offre d’achat à réméré acceptée, partiellement versée chez un notaire avec des fonds immédiatement disponibles et une promesse de régularisation sous 3 à 8 semaines, constitue une cause très grave et dûment justifiée de remise. Il a ainsi adopté une approche finaliste et pragmatique de l’article 609 du CPC.

3. Contrôle de proportionnalité de la voie d’exécution

Le Tribunal a surtout rappelé que l’exercice des voies d’exécution constitue une atteinte au droit de propriété du débiteur, garanti par la Constitution monégasque (article 24), et que cette atteinte ne peut être légitime que si elle est nécessaire, proportionnée, et inévitable.

Le juge de l’exécution est en effet le gardien de l’équilibre entre les droits du créancier et le droit de propriété du débiteur, même en présence d’une sûreté réelle.

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