La loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 portant modification de la procédure civile est publiée au Journal de Monaco de ce 17 décembre 2021.
Domaine temporel. La loi entre en vigueur deux mois après sa publication au Journal de Monaco. Dès lors, lorsque le procès est engagé après l’entrée en vigueur de la présente loi, les nouvelles dispositions qu’elle énonce s’appliqueront immédiatement. Toutefois, certaines dispositions sont d’application immédiate.
Domaine matériel. La réforme se veut tout à la fois œuvre de création et œuvre d’actualisation des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement du procès civil en Principauté. Quelles en sont les principales mesures ?
– Instauration de la pratique des conclusions récapitulatives dans les cas où la représentation par avocat est obligatoire.
Le mécanisme de conclusions récapitulatives consiste, en présence de plusieurs jeux de conclusions, à imposer aux parties de reprendre, dans leur dernier jeu de conclusions les prétentions et les moyens invoqués dans leurs conclusions antérieures, sans quoi elles seront réputées les avoir abandonnés.
Pour que le mécanisme des conclusions récapitulatives soit efficient, deux éléments formels sont exigés :
1/ la présentation claire et distincte des moyens nouveaux non formulés dans les conclusions précédentes ;
2/ pour la clarté du dossier, l’avocat est systématiquement tenu d’indiquer les pièces sur lesquelles il construit sa défense (indication sous forme d’une liste accompagnant l’exploit d’assignation, qui énumère les pièces produites en numérotant chacune d’entre elles).
– Création de la cassation sans renvoi en matière civile pour la Cour de révision.
Ce mécanisme existe déjà en matière pénale. D’une part, la Cour de révision peut statuer sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas de statuer à nouveau sur le fond (annulation fondée sur l’absence du droit d’agir ou encore hypothèse du pourvoi dans l’intérêt de la loi, car les droits des parties ne sont pas modifiés). D’autre part, la Cour de révision peut statuer sans renvoi lorsque l’annulation porte sur une disposition accessoire et indépendante (qui peut être retranchée sans porter atteinte à la chose jugée au principal).
– Création d’une nouvelle voie de droit : le rabat d’arrêt de la Cour de révision.
Il vise à corriger de graves vices de procédure ou d’atteinte portée à un principe fondamental de procédure. Les décisions de la Cour de révision ne sont pas susceptibles de recours. Dans le cas d’une erreur grave de procédure qui entacherait une de ses décisions, celle-ci doit pouvoir être réparée.
– Instauration d’une nouvelle procédure permettant d’ordonner par voie de requête et surtout en référé des mesures d’instruction dans le souci de sauvegarder et d’établir des éléments de preuve avant tout procès.
Il y a ici création du référé in futurum.
S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête lorsque les circonstances exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, ou en référé.
Ce référé se présente de manière autonome tant par rapport aux conditions édictées par les textes spéciaux qui régissent l’intervention du Président (lorsqu’il statue en référé) que par rapport aux règles relatives aux mesures d’instruction en général.
Le référé in futurum se concentre sur la recherche d’un motif légitime, structuré autour de 3 idées essentielles :
1/ la démonstration d’un lien suffisant entre la mesure sollicitée et le procès futur ;
2/ l’existence d’un intérêt probatoire à la mesure prescrite ;
3/ la préservation des intérêts légitimes de la partie adverse.
– Création de la passerelle pour passer d’une procédure d’urgence et provisoire (le référé) à une audience principale (au fond).
Pour éviter une perte de temps et l’obligation pour les parties de reprendre toute la procédure au principal, le juge des référés peut constater qu’il n’y a pas lieu de se prononcer en référé et autoriser le renvoi à une audience au fond sans autre charge pour les parties.
– Instauration de l’astreinte (prévention des difficultés d’exécution des décisions de justice).
L’astreinte permet de sanctionner le non-respect d’une décision de justice. Elle expose le débiteur, qui n’exécute pas la décision qui le condamne dans le délai imparti, à payer à son créancier une somme proportionnelle au retard apporté à l’exécution. Une part de l’astreinte peut être affectée au budget de l’État.
– Création d’une assistance judiciaire partielle.
L’assistance judiciaire est désormais totale ou partielle. L’assistance judiciaire partielle est attribuée aux personnes dont les revenus sont inférieurs à un montant qui sera fixé par Ordonnance souveraine. Ces montants pourront faire l’objet de correction en fonction de charges particulières ou de famille incombant au requérant.
– Création d’une passerelle vers le Tribunal de première instance dans le cas où la compétence du juge conciliateur est déclinée devant lui.
Cette mesure permet d’accélérer le jugement des affaires. Le juge conciliateur reste saisi des incidents tant que le tribunal de première instance n’est pas saisi. En revanche, en cas, d’incident de compétence soulevée devant lui, le juge conciliateur renvoie à date fixe les parties devant le tribunal de première instance. Le juge conciliateur peut siéger dans la formation du tribunal de première instance qui se prononce sur la question de compétence (l’impartialité quant au fond n’est pas affectée).
– Amélioration des règles gouvernant la mise en état des affaires.
L’objectif affiché est que les dossiers parviennent dans le meilleur délai devant la juridiction et que les affaires soient prêtes à être jugées dans le respect de la loyauté dans l’échange des conclusions, écritures et pièces. Il y a création de « l’ordonnance de clôture de la mise en état ». Les conclusions, écritures ou pièces déposées après elles sont, par principe, déclarées d’office irrecevables.
– Principe de la représentation obligatoire par avocat-défenseur devant le Tribunal de première instance.
L’article 135 du Code de procédure civile pose le principe de la représentation obligatoire par avocat-défenseur devant le Tribunal de première instance, tout en réservant la possibilité ponctuelle d’un texte contraire.
– Modernisation et actualisation des compétences du Juge de Paix.
Le taux de compétence du Juge de Paix est élevé en dernier ressort jusqu’à 3.000 euros (au lieu de 1.800 euros) et en premier ressort à 10.000 euros. Le montant spécial à certains contentieux est élevé en dernier ressort à 1.500 euros (au lieu de 700 euros) et en premier ressort à 3.000 euros (au lieu de 1.800 euros).
Par ailleurs, l’appel des décisions du Juge de Paix est porté devant la Cour d’appel (et non plus devant le Tribunal de première instance).
Enfin, compétence générale en matière d’injonction de payer sans limite de montant est donnée au Juge de Paix.
– Modernisation des règles relatives à la compétence juridictionnelle.
L’exception d’incompétence doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée avant toute autre exception.
La cautio judicatum solvi, selon laquelle le défendeur peut faire suspendre l’instance jusqu’à ce qu’une caution ait été fournie par le demandeur étranger, est supprimée. Est créée une voie de recours spécifique aux questions de compétence : l’appel sur la compétence (susceptible de pourvoi en révision lorsqu’il met fin à l’instance).
– Précisions procédurales en cas d’erreurs et omissions purement matérielles et ajout du cas de l’interprétation du jugement (jurisprudence de la Cour de révision).
Le juge peut se saisir d’office et une requête est normalement suffisante pour régler la difficulté, sauf volonté du juge d’entendre la partie adverse (une assignation est alors nécessaire). En tout état de cause, le juge ne doit ni modifier ni remettre en cause ce qui a été jugé.
Est ajouté le cas de l’interprétation du jugement. Il s’agit d’une codification d’une jurisprudence de la Cour de révision (Affaire n° 2003/21 Cavallari c/ Syndicat des copropriétaires, arrêts du 24 mars 2004 et du 9 juin 2004), suivant laquelle « il appartient à tout juge d’interpréter ou de compléter les motifs de sa décision s’il y a lieu ».
– Simplification de la péremption d’instance.
Le délai de droit commun est porté à deux années. Il y a également la création d’un « acte de poursuite d’instance » qui autorise toute partie, qui en manifeste la volonté, d’interrompre le délai de péremption.
– Modification des règles applicables à l’appel et à l’opposition.
Le délai d’appel est porté à 60 jours (contre 30 actuellement). Il se décompose en deux temps : 1/ un premier délai de 30 jours pour déclaration préalable au greffe (à compter de la signification de la décision de premier degré) ;
2/ puis, un délai de 30 jours pour motiver l’appel par assignation.
Il y a également création de la voie de recours de l’opposition contre les ordonnances de référé rendues en dernier ressort par défaut. Le président peut ordonner la réassignation du défendeur défaillant. Le délai d’opposition contre les ordonnances de référé est de 15 jours à compter de la signification de la décision.
– Répartition des frais du procès.
Dans tous les contentieux, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, lorsqu’elle n’est pas bénéficiaire de l’assistance judiciaire, peut être condamnée par le juge à payer à l’autre partie une somme globale au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (les frais irrépétibles).
– Abrogation de la condition d’autorisation du juge aux fins de former appel en garantie.
L’appel en garantie est permis, sans autorisation préalable du juge, chaque fois qu’une partie à l’instance estime qu’un tiers doit lui être substitué dans les condamnations qui pourraient le frapper. La juridiction a le pouvoir de rejeter les appels en garantie particulièrement tardifs ou de nature à entraîner un délai déraisonnable de jugement.
Il est également possible de former une demande en garantie entre codéfendeurs par conclusions.
– Modification des délais de distance applicables aux personnes assignées hors Monaco.
Ce délai d’assignation est maintenu à 30 jours si celui qui est assigné demeure en France métropolitaine. Le délai de 60 jours devient la règle dans tous les autres cas.
– Reconstruction du dispositif relatif aux ordonnances sur requête et des recours contre ces ordonnances (mise en conformité avec le principe d’égalité devant la justice – article 17 de la Constitution).
L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. C’est pourquoi elle implique une motivation sérieuse de la demande. L’ordonnance sur requête n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. En cas de circonstances nouvelles, le juge pourra modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.
Recours. S’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté. S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut former un référé aux fins de rétractation de l’ordonnance sur requête en s’adressant au juge qui a rendu l’ordonnance. Toute autre voie qui pourrait être utilisée pour contester la décision rendue sur requête est irrecevable.
– Clarification des pouvoirs du juge des référés et instauration du référé-provision.
Des précisions sont apportées aux pouvoirs du juge des référés :
1/ (absence de contestation sérieuse ou existence d’un différend) Le président peut ordonner toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal.
2/ (même en présence d’une contestation sérieuse) Le président peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser tout trouble manifestement illicite.
Il y a création du référé-provision. Les ordonnances de référé sont exécutoires par provision. L’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
Contrôle préalable. Le juge des référés est garant des droits de la défense. Il doit vérifier qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.
– La communication, la production et l’obtention des pièces.
Les dispositions du Code de procédure civile y afférentes sont complétées. La communication concerne le principe de la contradiction. La production est le fait pour une partie d’apporter aux débats et sous la contrainte du juge une pièce dont cette partie ne voulait pas faire état. L’obtention est le fait pour une partie d’obtenir d’un tiers au procès une pièce détenue par celui-ci. L’obtention est subsidiaire à la production.
– Accident du travail.
Le traitement des accidents du travail est doublement amélioré.
En premier lieu, lorsque les parties parviennent à s’accorder sur le taux d’incapacité énoncé dans le rapport d’expertise établi à la suite d’un accident du travail, ou au contraire n’y parviennent pas, l’accord ou le désaccord, constaté par l’ordonnance du juge, est irrévocable.
Surtout, aucune indexation de la somme allouée sous forme de rente n’était jusqu’alors prévue. Ceci est corrigé. Le montant de la rente est désormais indexé sur les rémunérations minimales telles que définies par l’Arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 fixant les taux minima de salaires.
– Abrogation de l’action possessoire.
L’action possessoire permettait au possesseur d’un droit réel immobilier soit de faire cesser le trouble apporté à sa possession soit d’obtenir la remise en possession lorsqu’il a été dépossédé. En pareille hypothèse, la pratique privilégie le recours au référé. C’est pourquoi l’action possessoire est abrogée, du fait de son non-usage.
– Réformation des règles de procédure applicables devant la Cour de révision.
Il est désormais précisé que c’est l’avocat-défenseur qui forme le pourvoi.
Droit de réponse des parties. Le ministère public donne ses conclusions immédiatement après l’audition des avocats. Les dispositions de l’article 187 du Code de procédure civile sont applicables. En conséquence, les parties peuvent joindre à leur dossier de simples notes pour « signaler les erreurs de fait qu’elles prétendraient avoir été commises ou pour répondre à des moyens nouveaux ».
La copie sur papier libre de la décision attaquée certifiée conforme par l’avocat-défenseur est abrogée.
Si le pourvoi en révision est rejeté, la partie qui l’a formé ne sera plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors les cas prévus à l’article 438. Il en est de même lorsque la Cour de révision constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance.
– Mesures d’administration judiciaire.
Est posée la règle selon laquelle les mesures d’administration judiciaire sont sans recours.
– Les testaments olographe (entièrement écrit de la main de son auteur, signé et daté par lui) et mystique (rédigé par le testateur puis clos voire cacheté et remis à un notaire).
Ces testaments doivent être présentés par les notaires au président du Tribunal de première instance. Est ensuite établi un procès-verbal. Le formalisme est lourd et assez daté. La loi permet désormais l’établissement d’une copie certifiée, conforme par double signature du président et du greffier de la juridiction (copie conservée par le greffe).
– L’homologation des transactions par le président du Tribunal de première instance.
Il est désormais permis au requérant qui sollicite l’exequatur d’un jugement arbitral de déposer une copie certifiée conforme du jugement (et donc, de conserver l’original).
– Le rôle civil du ministère public.
Au civil, le ministère public intervient soit par voie d’action (il agit en qualité de partie à la procédure) soit par voie de réquisition (il intervient pour donner un avis afin d’éclairer la juridiction). Diverses modifications sont apportées au rôle civil du ministère public, notamment :
1/ un cadre juridique est désormais donné à la décision d’un placement en urgence d’un mineur prise par le parquet général (article 318 du Code civil).
2/ les causes dans lesquelles le ministère public donne ses conclusions (article 184 du Code de procédure civile) sont modernisées (suppression des causes relatives à la dot, relatives aux personnes ayant obtenu l’assistance judiciaire…).
On note également la substitution de l’expression « conclusions » par réquisitions orales aux articles 186 et 187 du Code de procédure civile : réquisitions orales du ministère public après les plaidoiries.
Enfin, les règles qui gouvernent la présence du ministère public aux débats sont améliorées. Lorsque le ministère public est seul demandeur ou seul défendeur, il agit en qualité de partie principale. En conséquence, il doit être présent. Cette présence n’est pas obligatoire lorsque son avis est sollicité.
– Transmission électronique d’actes de procédure.
Chaque fois qu’un acte de procédure est à déposer au greffe ou à envoyer depuis le greffe, la voie électronique peut y satisfaire sous réserve du respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
Les équipes de Zabaldano Avocats restent à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos interrogations.