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[AFFAIRES] MODERNISATION DU DROIT DES SOCIÉTÉS. CINQUIÈME PARTIE : LA PROCÉDURE DE CONCILIATION

La procédure de conciliation est destinée à éviter la cessation des paiements et l’ouverture d’une procédure collective par un mécanisme de règlement amiable. Elle est établie aux articles 407-1 à 407-14 du Code de commerce.

Elle est une procédure confidentielle et volontaire, inspirée du droit français.

 

La procédure de conciliation est ouverte au débiteur exerçant une activité commerciale ou artisanale faisant face à une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, à condition qu’il ne soit pas en état de cessation des paiements depuis plus de 15 jours.

Le Président du Tribunal de première instance est saisi par requête du débiteur. La requête doit exposer en détail la situation du débiteur (juridique, économique, financière, sociale, patrimoniale) et proposer, le cas échéant, des moyens pour y remédier. Une ordonnance souveraine précisera les pièces à joindre à l’appui de la requête.

 

Le Président du Tribunal de première instance, après avoir recueilli l’avis du Procureur Général, désigne un conciliateur par ordonnance, dont il détermine la mission, pour une période n’excédant pas 3 mois, renouvelable une seule fois dans la limite de six mois au total.

Le débiteur peut proposer un nom. Le conciliateur doit, sauf exception prévue, être choisi parmi les experts-comptables inscrits à Monaco. Sa rémunération est fixée dans l’ordonnance de désignation et supportée par le débiteur.

Le conciliateur a pour tâche de favoriser un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers principaux ou cocontractants habituels. Cet accord peut concerner les dettes, la réorganisation ou même une cession totale ou partielle de l’entreprise. Le conciliateur rend compte de ses diligences au Président du Tribunal.

Échec de la conciliation

Lorsque la mission du conciliateur arrive à son terme sans qu’aucun accord amiable n’ait pu être conclu, ce dernier remet un rapport au Président du Tribunal de première instance. Ce rapport constate l’échec des négociations. Le Président met alors fin à la procédure par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours.

Accord trouvé

En revanche, si un accord est intervenu entre le débiteur et tout ou partie de ses créanciers, deux options sont offertes.

1/ Accord constaté par ordonnance

Premièrement, le débiteur peut solliciter du Président du Tribunal une simple constatation de l’accord. Celui-ci rend alors une ordonnance ayant force exécutoire, qui met fin à la procédure. Cette ordonnance n’est ni publiée, ni susceptible de recours.

2/ Accord homologué par jugement

Deuxièmement, le débiteur peut demander l’homologation de l’accord par jugement. Le Tribunal ne peut accéder à cette demande que si trois conditions cumulatives sont réunies :

– le débiteur n’est pas en cessation des paiements, ou bien l’accord y met fin ;

– l’accord permet d’assurer la pérennité de l’activité économique de l’entreprise ;

– les intérêts des créanciers non-signataires de l’accord ne sont pas lésés.

Dans cette hypothèse, le Tribunal statue en chambre du conseil, entend préalablement le conciliateur et recueille l’avis du Procureur Général. Le jugement d’homologation est susceptible d’appel.

Clôture de la procédure

L’ordonnance de constatation ou le jugement d’homologation de l’accord amiable met automatiquement fin à la procédure de conciliation. Il n’existe aucune formalité complémentaire de clôture.

Interdiction ou suspension des actions individuelles

Lorsque l’accord a été homologué, il produit un effet d’opposabilité renforcé aux créanciers signataires. Pendant toute sa durée d’exécution, il interdit ou suspend :

– toute action en justice tendant à obtenir une condamnation du débiteur,

– toute procédure d’exécution engagée ou poursuivie contre lui,

– toute inscription de sûreté sur les créances concernées.

Ces interdictions s’appliquent aux créances qui font l’objet de l’accord, y compris lorsque les créanciers bénéficient d’une sûreté personnelle (ex. cautionnement) ou réelle (ex. hypothèque, nantissement).

Cet effet est strictement réservé à l’accord homologué, et ne s’applique pas à l’accord constaté.

Extension des mesures au bénéfice des garants personnes physiques

Les personnes physiques qui se sont engagées envers les créanciers par une sûreté personnelle ou réelle pour garantir la dette du débiteur peuvent bénéficier, pendant la durée d’exécution de l’accord homologué, des mêmes mesures de faveur (par exemple, délais ou remises) que celles accordées au débiteur.

Résolution judiciaire de l’accord

En cas d’inexécution des engagements résultant de l’accord amiable, toute partie intéressée peut saisir le Président du Tribunal ou le Tribunal statuant au fond pour demander la résolution de l’accord. Cette décision met fin aux effets de l’accord à compter de son prononcé.

Privilège des apporteurs de trésorerie

Les personnes ayant consenti des apports en trésorerie dans le cadre d’un accord homologué, afin de permettre la poursuite de l’activité du débiteur, bénéficient d’un privilège spécifique en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure de liquidation judiciaire.

Ce privilège leur assure un droit de paiement prioritaire pour le montant de cet apport.

Fin automatique de l’accord

Le jugement qui prononce l’état de cessation des paiements, le règlement judiciaire ou la liquidation des biens met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué. En ce cas, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues.

Incompatibilités

Ne peut être désignée comme conciliateur une personne ayant entretenu, au cours des vingt-quatre mois précédant la demande d’ouverture de la procédure, un lien économique direct ou indirect avec :

– le débiteur,

– les créanciers ou cocontractants habituels,

– leurs représentants ou dirigeants.

Toutefois, le Tribunal peut, après avis du Procureur Général, autoriser la désignation d’un tel conciliateur s’il constate l’absence de conflit d’intérêts.

Obligation de confidentialité

Toute personne ayant participé à la procédure de conciliation est tenue à la confidentialité. Cette obligation couvre :

– l’existence de la procédure,

– les informations recueillies,

– les conditions de l’accord proposé ou conclu.

Clause réputée non écrite

Toute clause contractuelle ayant pour objet ou pour effet d’aggraver la situation du débiteur du seul fait de la demande d’ouverture ou de l’ouverture de la procédure de conciliation est

réputée non écrite. Elle est donc privée d’effet juridique, sans qu’il soit besoin d’une décision de justice.

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