Le requérant, ressortissant français, sollicite en décembre 2021 une autorisation administrative en vue de constituer une société anonyme monégasque.
Cette demande est rejetée par le Ministre d’État le 17 février 2022.
L’administration invoque le fait que le requérant a été placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une procédure pénale ouverte pour des infractions économiques et financières. Il ne présente pas les garanties de moralité requises.
Le recours en annulation pour excès de pouvoir formé par l’intéressé est rejeté par le Tribunal suprême monégasque le 30 novembre 2023.
Le 27 mars 2024, le requérant saisit la Cour européenne des droits de l’homme soulevant des atteintes portées aux articles 6 § 2 (présomption d’innocence) et 8 (respect de la vie privée) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le requérant fait valoir :
– que la motivation de la décision administrative porte atteinte à la présomption d’innocence, en raison de la mention de son placement sous contrôle judiciaire ;
– qu’il existe une atteinte irrémédiable à sa réputation, en lien avec l’article 8 de la Convention.
1/ Sur l’atteinte à la présomption d’innocence du demandeur (article 6§2 de la Convention)
La Cour rappelle que la présomption d’innocence peut s’appliquer dans le cadre de procédures autres que pénales (civile, disciplinaire ou autre), lorsque celles-ci sont menées parallèlement à une procédure pénale.
Elle rappelle également que le choix des termes employés par les autorités et le contexte dans lequel ils sont formulés constituent des éléments d’analyse.
En l’espèce, la Cour relève que :
– la décision litigieuse mentionne le placement sous contrôle judiciaire sans affirmer la culpabilité ;
– la décision est destinée uniquement au requérant et n’est pas rendue publique ;
– les termes utilisés reprennent ceux de la loi applicable.
Elle conclut que la déclaration ne laisse pas entendre que le requérant est coupable. Le grief est manifestement mal fondé.
2/ Sur l’atteinte à la réputation du demandeur (article 8 de la Convention)
Le requérant invoque une atteinte à sa réputation. Il fait valoir que le Ministre d’État a porté un jugement hâtif sur sa probité, d’autant plus qu’il a bénéficié in fine d’une relaxe totale.
La Cour prend acte :
– que la décision n’est pas rendue publique ;
– qu’elle se fonde sur une situation objective (inculpation du requérant placé sous contrôle judiciaire) ;
– que la publication de la décision du Tribunal suprême est faite sous forme anonymisée.
Dans ces circonstances, la Cour considère que l’atteinte à la réputation du requérant est d’une très faible intensité et qu’elle est nécessaire à la “défense du bien-être économique du pays” au sens de l’article 8§2 de la Convention.