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[DIP/ SUCCESSION] Cour européenne des droits de l’Homme, 18 janvier 2024, Michaux c/ Monaco

L’application du Code de droit international privé monégasque à une succession ouverte avant son entrée en vigueur ne viole pas le principe de sécurité juridique.

Absence de dispositions transitoires

Le CDIP issu de la Loi n° 1.448 du 28 juin 2017 est applicable en Principauté depuis le 8 juillet 2017. Ce texte ne contient pas de dispositions transitoires. Des successions ouvertes avant le 8 juillet 2017 – et non réglées par un acte de partage ou une décision de justice définitive ayant force de chose jugée – pouvaient être soumises aux dispositions de la loi nouvelle alors que les droits des parties étaient jusqu’alors fixés sous l’empire d’anciennes dispositions. Depuis lors, le législateur monégasque est intervenu. L’article 3 de la Loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 précise que les dispositions relatives aux successions présentes dans le CDIP “sont applicables aux successions ouvertes postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi”.

Cette clarification législative, d’application immédiate, est intervenue près de 5 ans après l’entrée en vigueur du CDIP. Dans l’intervalle, des solutions considérées comme acquises ont été bouleversées par l’entrée en vigueur du CDIP. Tel est le contexte du présent arrêt :

L’application du CDIP à une succession ouverte en 1963 viole-t-elle le principe de sécurité juridique ?

Le père de la requérante décède en 1963 en Belgique sans laisser de testament. Le patrimoine successoral se compose de biens meubles et immeubles situés en Belgique, en France et à Monaco. La même année, la requérante renonce à la succession de son père par déclaration au greffe d’un tribunal belge. La requérante soutient que les droits belge et monégasque de l’époque prévoient le principe de scission des masses successorales : la renonciation faite en Belgique ne produit d’effets que sur les biens sis en Belgique.

La requérante soutient avoir rétracté sa renonciation à la succession et avoir accepté, en 1976, un appartement situé à Monaco.

Tribunal de première instance de Monaco (ci-après “TPI”)

En 2006, la requérante assigne ses deux frères devant le TPI afin que ses droits sur l’appartement soient reconnus en sa qualité d’héritière. Ses frères s’y opposent et présentent une demande reconventionnelle en partage de l’appartement entre eux deux uniquement. La requérante fait valoir qu’ils n’ont pas accepté les successions de leurs parents dans le délai légal de 30 ans. Cette procédure est suspendue d’un commun accord jusqu’en 2018. Par un jugement du 11 juillet 2019, le TPI rejette les demandes de la requérante. Il considère qu’en application du CDIP, issu de la Loi n° 1.448 du 28 juin 2017, les règles successorales belges doivent être appliquées à l’ensemble de la succession.

Le TPI en déduit qu’en renonçant à la succession de son père en 1963, la requérante a exercé son option héréditaire et a donc renoncé à sa qualité d’héritière sur l’ensemble de la succession.

Cour d’appel de Monaco

La requérante interjette appel. Elle conteste l’application du CDIP à une succession ouverte en 1963. Elle considère que la loi successorale monégasque, et non belge, doit être appliquée pour l’appartement situé à Monaco. Par un arrêt du 13 juillet 2021, la cour d’appel considère qu’à défaut de dispositions transitoires, le CDIP doit être appliqué à l’instance et renvoie à la loi successorale belge – loi du domicile du défunt lors du décès. La requérante forme un pourvoi en révision.

Cour de révision

Par un arrêt du 21 mars 2022, la Cour de révision confirme l’arrêt de la cour d’appel, considérant que le droit successoral belge doit être appliqué en vertu du CDIP.

Le 24 janvier 2023, la Cour d’appel de Monaco, statuant sur le fond du litige, applique le droit matériel belge. Elle considère que tant la requérante que ses frères ont accepté la succession de leur père en 1975 et que, dès lors, la requérante a rétracté sa renonciation à la succession. Par conséquent, tous les trois sont déclarés héritiers de l’appartement sis à Monaco.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1er du Protocole n° 1, la requérante soutient qu’en appliquant rétroactivement le CDIP à la succession ouverte en 1963, les juridictions monégasques ont violé le principe de sécurité juridique et l’ont privée du bien immobilier monégasque dont elle aurait dû hériter seule. La Cour déclare les requêtes irrecevables et manifestement mal fondées.

Absence de ratification du Protocole n° 1 par la Principauté de Monaco

La requérante invoque la violation du principe de sécurité juridique pour se plaindre d’une privation d’un bien dont elle aurait dû hériter seule (car ses frères n’auraient pas accepté la succession dans le délai légal de 30 ans). Ce grief tiré l’article 1er du Protocole n° 1 est irrecevable car la Principauté de Monaco n’a pas ratifié ce protocole.

Les juridictions monégasques n’ont aucunement remis en cause une “situation juridique cristallisée” au profit de la requérante

La Cour rappelle que la notion de sécurité juridique, au regard de l’article 6 de la Convention, renvoie à l’idée d’un cadre juridique stable, complet et prévisible (excluant tout arbitraire). Or, en l’espèce, la Cour relève qu’aucune “situation juridique cristallisée” n’a été anéantie par les juridictions monégasques à son détriment (aucun “jugement définitif” en sa faveur n’a été remis en cause). Au surplus, le dossier ne fait apparaître ni de jurisprudence divergente ou contradictoire ni d’élément d’arbitraire dans les décisions des juridictions monégasques.

Les équipes de ZABALDANO Avocats sont à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos interrogations.

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