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[DROIT BANCAIRE] LA RECONNAISSANCE DU DROIT AU COMPTE EN PRINCIPAUTÉ

Un droit fondamental. Le droit au compte est un droit fondamental. Il peut être défini comme le service bancaire minimum au bénéfice de certaines personnes dépourvues de compte de dépôt. Le projet de loi n° 991 relative à l’instauration du droit au compte, voté ce 30 juin 2020, le consacre en Principauté.

Ce dispositif se veut être équilibré entre les intérêts privés des acteurs bancaires établis en Principauté et l’intérêt général qui sous-tend la reconnaissance du droit au compte :

  • Pour les acteurs bancaires, le principe de la liberté contractuelle prévaut. Le refus par le banquier d’ouvrir un compte bancaire reste libre, sous réserve de ne pas être discriminatoire ;
  • Pour l’intérêt général sous-tendu, le droit au compte a une fonction sociale (lutte contre l’exclusion), une fonction économique (instrument privilégié de la vie des affaires) et une fonction éthique (instrument privilégié dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption).

En principe, compte tenu du principe de la liberté contractuelle et du caractère très personnel de la relation contractuelle, nul ne peut obliger la banque à ouvrir un compte. Cependant, en cas de refus, la personne peut demander à la Direction du Budget et du Trésor de lui désigner un établissement de crédit, figurant sur une liste à établir par arrêté ministériel, pour lui ouvrir un compte, avec accès à certains services bancaires de base.

Cette procédure s’inscrit dans la continuité du droit européen, et notamment de la directive 2014//92/UR « PAD » (Payment Accounts Directive), qui prévoit en substance que toute personne résidant légalement dans un pays de l’Union européenne, a un droit d’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base.

Quelles sont les modalités (et les limites) du droit au compte en Principauté ?

Nationalité ou domiciliation en Principauté. Le droit à l’ouverture d’un compte de dépôt est ouvert aux personnes suivantes ne disposant pas déjà d’un compte ouvert en Principauté :

  • Personne physique de nationalité monégasque ;
  • Personne physique ou morale domiciliée à Monaco, au sens de l’article 2 du Code de droit international privé (tout étranger titulaire d’un titre de séjour est présumé, sauf preuve contraire, avoir son domicile dans la Principauté tout comme les sociétés et personnes morales y ayant leur siège social).

 Installation ou constitution en Principauté. De même, le droit au compte est mis au bénéfice de toute :

  • Personne physique en cours d’installation à Monaco (détentrice à ce titre du récépissé de dépôt de la demande administrative correspondante) ;
  • Personne morale en cours de constitution à Monaco (justifiant de l’accomplissement de formalités administratives idoines).

Mandataire financier désigné par le ou les candidats à une élection. Il jouit du droit au compte. Pour rappel, la loi n° 1.389 du 2 juillet 2012 relative au financement des campagnes électorales impose à tout candidat à une élection d’avoir et de déclarer un mandataire financier, en charge de la comptabilité de toutes les dépenses électorales engagées par le candidat ou pour son compte.

Le droit à une pluralité de comptes. Par dérogation, certains bénéficiaires ont le droit de détenir plusieurs comptes de dépôts. Il en est ainsi :

  • De la personne physique agissant dans le cadre de ses activités professionnelles (quand bien même elle serait déjà titulaire d’un compte pour ses besoins personnels) ;
  • Du mandataire financier désigné par le ou les candidats à une élection (quand bien même il serait déjà titulaire d’un compte pour ses besoins personnels) ;
  • De la personne morale titulaire de l’autorisation de procéder à une offre de jetons pour l’ouverture d’un compte de dépôt dans le cadre de cette levée de fonds (quand bien même elle serait déjà titulaire d’un compte pour les besoins de son activité professionnelle).

 

Modalités. L’établissement bancaire sollicité peut parfaitement refuser l’ouverture d’un compte. En présence de ce refus initial, le bénéficiaire légitime peut saisir la Direction du Budget et du Trésor afin qu’elle lui désigne, dans un délai de 15 jours, un établissement de crédit, figurant sur une liste à établir par arrêté ministériel, pour lui ouvrir un compte, avec accès à certains services bancaires de base (tenue d’un compte, délivrance de RIB, domiciliation de virements bancaires, encaissement de chèques…).

L’établissement bancaire, auteur du refus, est tenu à deux obligations :

  • fournir sans frais au demandeur une attestation de refus (support papier ou durable) ;
  • informer le demandeur de son droit de saisir la Direction du Budget et du Trésor.

Demande d’ouverture du compte de dépôt. Le demandeur éconduit doit fournir à la Direction du Budget et du Trésor une attestation sur l’honneur permettant de savoir s’il a fait l’objet d’une procédure de surendettement dans les cinq années qui précédent la demande. Le cas échéant, l’établissement de crédit désigné peut aménager les moyens de paiement mis à disposition et adapter les services offerts.

Les motifs de rejet. L’établissement de crédit désigné ne peut rejeter la demande d’ouverture que dans certains cas limitativement énumérés :

  • Condamnation pour blanchiment du produit d’une infraction (articles 218 à 219 du Code pénal) ;
  • Condamnation en matière de stupéfiants (loi n°890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants) ;
  • Condamnation en matière de financement du terrorisme (Ordonnance souveraine n° 15-320 du 8 avril 2002 sur la répression du financement du terrorisme) ;
  • Non-respect des conditions de la présente loi relatives aux bénéficiaires du droit au compte ;
  • Non-respect des dispositions relatives aux renseignements à fournir à l’occasion de transactions sur métaux précieux et d’opérations de change (article 7 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption).

Tout rejet de la demande par l’établissement de crédit désigné est susceptible de recours.

 

Motifs. L’établissement bancaire désigné ne peut résilier unilatéralement la convention de compte de dépôt que pour certains motifs :

  • Soupçons d’utilisation du compte à des fins illégales ;
  • Informations inexactes fournies par le demandeur ;
  • Incivilités répétées à l’endroit du personnel de l’établissement ;
  • Condamnation pour un des motifs de rejet (cf. supra).

Notification. Pour toute résiliation sur l’un de ces fondements, l’établissement bancaire doit procéder à une notification écrite sans frais au client. La résiliation doit par principe être motivée et transmise pour information à la Direction du budget et du Trésor.

Délai. Par principe, la résiliation unilatérale par l’établissement de crédit désigné ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de préavis de deux mois minimum. Par exception, lorsque la résiliation est fondée sur des soupçons d’utilisation du compte à des fins illégales ou sur une condamnation pénale, celle-ci peut intervenir sans délai.

Les équipes de Zabaldano Avocats restent à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos interrogations.

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